Dessins
majeurs de Mac Avoy
Portrait
de Henry de Montherlant
Dessin
préparatoire au portrait de Henry de Montherlant |
31
juillet 1948
" Il y aura des coups de revolver de femmes visant ce
portrait... jubile Montherlant, et pan! et pan! sur le mysogine!
sur l'homme qui ne sait pas aimer!.
22 septembre
1972
Sans doute est-ce ce mercredi 30 juillet 1948, dînant
à la "Closerie des Lilas" avec Montherlant,
à l'abri des curieux, dans une sorte de bocage, que
nous sommes devenus vraiment amis, parce que Montherlant s'est
avoué vulnérable et contradictoire.
Il se croit visé, objet de brimades voire de cabales.
Il est certain d'avoir la droite contre lui, les communistes
contre lui, le catholicisme contre lui, les juifs contre lui.
Hypersensibilisé aux évènements politiques,
il est dans les rapports humains:
___ "J'hésite à faire un cadeau de peur
qu'on ne me remercie pas, ou mal, ou quelques jours trop tard...".
Q'un jeune belge interprète de la "ville"
à qui Montherlant a écrit pour lui demander
de venir enregistrer le rôle à Paris, ne lui
réponde pas, le révolte comme une muflerie,
mais surtout, je le sens, lui fait mal.
J'aime ces contradictions, ses illogismes. Nous parlons de
l'amour.
___ " Les corps sont interchangeables" déclare
Montherlant. Il oublie cette péremptoire affirmation
un moment après, et, dans les détours de la
conversation :
___ " On n'aime pas si l'on supporte que son "amour"
circule en voiture, ou prenne un bain de mer !".
A propos de la jalousie :
"Ce sentiment de la jalousie m'intéresse si peu,
qu'il n'ya a pas trois lignes sur la jalousie dans toute mon œuvre...".
" L'admirable chez les adolescents, c'est qu'ils sont
voués au mensonge. Et les adolescents doivent mentir,
puisque l'éducation des parents représente une
ligne, et que la ligne de l'adolescence, c'est le zig-zag".
"Je n'ai jamais cru en Dieu, je ne crois et ne croirai
jamais en Dieu".
___ " Mais, dînant à l'atelier avec Julien
Green, Montherlant qui écrit "Port Royal",
nous dit : "cet après midi, j'étais une
religieuse à genoux...".
Ma dernière rencontre avec Montherlant, quelques heures
avant son suicide, fut un combat contre la mort.
Il entra sans que son visage s'éclaira, et d'emblée,
presque agressif :
___ "Je ne vous comprends pas... Comment pouvez-vous
n'être pas découragé... Vous ne sentez
donc pas que les valeurs humanistes que vous défendez
dans votre œuvre, comme moi dans la mienne, n'ont nulle part
de résonnance, que c'est fini, que je ne serai plus
jamais joué... Que la Comédie-Française
deviendra un garage... que nous somme sur la liste noire..." .
Je lui donnai un démenti formel : " Il y a peu
de jours, j'ai assisté à une représentation
de : " Hair". Une trentaine de garçons et
de filles demi nus, ou nus, gesticulaient et dansaient sur
des rythmes déments. On applaudissait à peine.
___ "Le lendemain j'étais à la Comédie-Française. On reprenait votre "Port Royal",
qui n'est pas une pièce dans le vent, que je sache;
ou quelques malheureuses religieuses du XVIIème siècle
refusent de signer un formulaire dont personne ne sait ce
qu'il contenait...". Voici qu'Annie Ducos venait d'annoncer
" la pièce que nous venons de répéter
pour la dernière fois devant vous est de Monsieur Henry
de Montherlant ", et toute la salle se levait et acclamait
longuement son nom...".
___ " Montrez moi vos dessins " dit seulement Montherlant.
Il s'attarda devant le dernier des dessins des " garçons",
où sombre dans l'agonie, l'Abbé de Pradt, bouche
ouverte...
Il murmure " et dire que ce sera comme cela... "
Mac Avoy |
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