Le Vau, l'architecte auteur de l'agrandissement et de la splendeur du château de Versailles avait conçu l'hôtel Lambert comme la proue à l'abri des regards (d'où le jardi suspendu), d'une Nef se dressant fièrement sur la Seine de l'époque.
Cette perle d'architecture du XVII^ème siècle qui est pratiquement restée dans son état d'origine, ce qui lui confère sa grande valeur historique, est le plus célèbre hôtel particulier de Paris.
Voltaire qui y vécut parlait de l'hôtel Lambert comme : "d'une maison faite pour un souverain qui serait philosophe".
Le nouveau propriétaire, Prince du Qatar, frère de l'Emir du Qatar, qui a racheté l'hôtel Lambert au baron Guy de Rothschild, en juillet 2007 (pour 80 millions d'euros), n'aurait donné aucune directive pour la restauration de cet hôtel qui en a sérieusement besoin, notamment au niveau des toitures et des combles.
Ce passionné d'art et de culture française souhaite y habiter avec sa famille.
Rappelons que La capitale des Emirats Arabes Unis héberge une désormais fameuse université annexe de la "Sorbonne" de Paris. L'attachement des valeurs de la Culture française du prince propriétaire de l'hôtel Lambert est bien réelle.
L'architecte en chef des monuments historiques, Alain Charles Perrot, auquel a été dévolu la tâche de préserver le bâtiment, confirme la volonté du Prince de conserver l'intégrité du lieu.
Cependant la volonté de faire de l'hôtel Lambert une résidence de grand luxe amène à s'interroger.
Alain Charles Perrot assume son choix de réhabilitation des 3300m² de surface habitable.
La partie sur cour, compartimentée en appartements, habités par le Baron de Rédé et plus récemment par Michèle Morgan dans un seul appartement, est à recomposer et à moderniser.
Les associations, celle de préservation du Vieux Paris entre autres, la Ville de paris, le Ministère de la Culture, se sont Fortement émus du risque que faisait peser la restauration de l'hôtel Lambert sur la préservation des décors de Lebrun ainsi que sur d'autres points de restauration, en raison de la nature des travaux projetés.
De nombreuse craintes ont été levées:
Les décors seront restaurés sans être déposés, comme on le craignait, dans la galerie d'Hercule, les salons et autres cabinets des Bains et de l'Amour, situés en enfilade.
La soufflerie chaud-froid passera sous les planchers.
Il subsiste quelques épineux problèmes pour l'architecte Alain Charles Perrot, pourtant prêt à faire une concession au propriétaire afin de sauver l'hôtel Lambert, qui était il faut le souligner promis à un délabrement prochain.
En effet, la demande d'installation d'un ascenseur supplémentaire souhaitée par son nouveau propriétaire soulève encore des leviers de boucliers. Dans le projet, il s'ouvre dans la chambre originale de Jean-Baptiste Lambert, qui est dotée du seul seul plafond à solives historiées de l'hôtel Lambert.
Cet ascenseur fait aussi disparaitre l'escalier XIX^ème en bois sculpté, dessiné par Lassus, contemporain de Viollet-le-Duc.
Il faut rappeler qu'il y a déjà des ascenseurs dans l'hôtel Lambert.
Il y a aussi la question des parkings souterrains qui devraient nécessiter le rehaussement du jardin, de couloirs de circulation et plusieurs autres points à régler, comme les fenêtres dont les menuiseries anciennes avec ses croisées jouent un rôle capital dans l'esthétique du bâtiment. Elles doivent être remplacées, toutes ou presque, alors qu'il semble qu'elles n'aient pas toutes été analysées minutieusement.

Le Maire de Paris, Bertrand Delanoë, suivant l'avis de la commission du Vieux Paris, a bloqué le projet de parking, Le projet prévoit de creuser le parking sous le jardin avec une porte d'accès "pivotante" s'ouvrant sur le quai, en perçant le mur d'enceinte du XVII^ème siècle ! Il est vrai que cela déparerait certainement la façade de l'hôtel.
Si l'accord pour le parking dépend beaucoup de la ville ce n'est pas le cas des aménagements intérieurs qui sont placés sous la responsabilité pleine et entière du Ministère de la Culture.
Par ailleurs, malgré une luxueuse et importante étude préalable, la commission du Vieux Paris pointe le doigt sur certains défauts d'expertise.
La réhabilitation de l''hôtel Lambert est donc pour le moment un dossier très sensible, piloté en haut lieu, dans lequel apparait une opposition entre la ville de Paris et le Ministère de la Culture.
Le Ministère de la Culture, amené à se prononcer sur ce monument historique classé, déclare "étudier favorablement le projet jusqu'à présent". "A ce stade, il nous semble que l'essentiel du caractère patrimonial de l'hôtel Lambert est préservé", estime le cabinet de Christine Albanel interrogé par l'AFP. "Mais il ne s'agit pas d'une décision définitive".
Les relations diplomatiques entre la France et le Qatar sont également concernées. On sait que Nicolas Sarkozy entretient de très bonnes relations avec l'Emir du Qatar.
La commission supérieure des monuments historiques (Commission nationale des monuments historiques), devrait rendre le résultat de son arbitrage final au printemps 2009. Elle amendera le projet ou elle l'entérinera, ou bien s'abstiendra et la décision finale appartiendra à la Ministre de la culture, Madame Albanel, qui tranchera.
Le projet passera pour avis (consultatif) devant la Commission nationale des Monuments historiques.
Ce sera l'heure de vérité : soit elle amendera le projet, soit elle se taira. Puis la ministre tranchera...

Entre petro dollars et patrimoine culturel, il y a la réalité imminente de fonds publics partis pour restaurer...par exemple, les "colonnes de Buren", qui selon nous, sont bien loin de représenter une chef d'œuvre immortel ! Et celle d'un lieu qui pourrait vite se dégrader sans l'intervention judicieuse et respectueuse de personnages tels que le Prince du Qatar, qui est sans doute beaucoup plus attaché à vivre dans un lieu comme l'hôtel Lambert pour ce qu'il représente de prestige historique que pour des aménagements luxueux consentis au prix de prendre le risque de se distinguer pour la postérité, comme l'affligeant auteur de la dévaluation d'un tel lieu.
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Mais c'est vrai, le passé se charge de nous rappeler que l'argent se moque de l'histoire !
De tous temps, des milliardaires asiatiques, russes ou américains ont désossés nos châteaux pour s'emparer d'une fenêtre à meneaux, d'une cheminée, sculpture ou de toute autre élément de décoration, laissant le reste de l'édifice tomber en ruine, pillé nos églises, acheté nos cloîtres,
Il serait bien stupide de dénoncer une nouvelle fois l'invasion islamique dans notre culture.
Qu'on se souvienne de l'Université de Cordoue qui était en son temps un exemple de tolérance, d'œcuménisme et de mélanges d'obédiences religieuses diverses nouant des contacts féconds autour de la recherche mathématique, scientifique, poétique, littéraire et artistique en général...

Selon Alexandre Gady, maître de conférence à la Sorbonne:
" L'hôtel Lambert a toujours été une maison habitée et il vaut mieux qu'il tombe entre les mains d'un propriétaire fortuné prêt à mettre treize millions d'euros sur la table pour sa restauration, plutôt que de devenir un édifice public avec les conséquences désastreuses qu'entraîneraient son aménagement et sa mise aux normes de sécurité. Là où le problème se pose, c'est que, comme tout propriétaire privé, il a des désirs qui peuvent apparaître inconciliables avec la demeure et les impératifs d'une bonne conservation".

En fin de compte, c'est " l'histoire" qui parait devoir être le meilleur arbitre et juge de paix dans cette affaire.


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